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Publié le 30 mai 2024 Mis à jour le 3 juin 2024

Élisa Monnot définit les clés de la consommation responsable

Réutiliser ses emballages est un des piliers de la consommation responsable.
Réutiliser ses emballages est un des piliers de la consommation responsable. - Réutiliser ses emballages est un des piliers de la consommation responsable. - © Shvets Production

Acheter moins, opter pour le bio, choisir le vrac : autant de gestes vertueux qui entrent petit à petit dans les mœurs. Dans les coulisses, cette évolution provoque un bouleversement insoupçonné des pratiques. Décryptage avec Élisa Monnot, maître de conférences au laboratoire Thema, qui consacre ses recherches à l’étude des leviers de la consommation responsable.


"La consommation responsable désigne le phénomène par lequel l’individu, quand il choisit un produit, tient compte de son impact et en particulier des différents enjeux du développement durable sur les plans économique, environnemental et sociétal", déclare Élisa Monnot. "S'intéresser à la consommation responsable et aux leviers pour l'encourager, ce n’est pas forcément nouveau ou surprenant en soi. Ce qui l'est davantage, en revanche, c'est le fait que certaines pratiques aujourd'hui, en particulier des industriels et des pouvoirs publics, peuvent poser question". 
En effet, les habitudes de consommation des individus ne sont qu’un maillon de la chaîne. Entreprises, industriels et pouvoirs publics ont également un grand rôle à jouer pour faire évoluer durablement les pratiques. Dans les rayons des supermarchés, par exemple, les zones de produits en vrac et les emballages recyclables sont désormais monnaie courante. Mais l’adoption de ces nouvelles pratiques ne coulent de source ni pour les consommateurs, ni pour les distributeurs. C’est l’objet des recherches actuelles d’Élisa Monnot : consigner et comprendre les pratiques afin de mieux les accompagner.

Le rôle des distributeurs

Les recherches d’Élisa Monnot illustrent ce fait souvent peu identifié dans l’esprit collectif : si les consommateurs ont un rôle central dans l’évolution des pratiques, les propositions des magasins en amont comptent tout autant. "On a tendance à entendre beaucoup parler de la responsabilité des individus dans la transition vers des modes de consommation responsable, mais on ne se rend pas forcément compte du rôle central que jouent les distributeurs et les acteurs politiques".
Le principe date de la naissance du commerce : l’offre dépend certes de la demande, mais la demande dépend aussi de l’offre. Or, la mise à disponibilité de produits en vrac induit des questions inédites pour les distributeurs : transport, logistique, hygiène, affichage, promotion des produits, gestion et formation des personnels, etc. Autant de points devant lesquels ils se retrouvent parfois démunis. Ces obstacles ont d’ailleurs poussé certaines grandes surfaces, qui avaient inauguré des espaces vrac en grandes pompes, à rebrousser chemin. Dans leur article Comprendre les spécificités de la distribution en vrac pour adapter le retailing mix : apport des théories des pratiques (Décisions Marketing, 2022/02 (N°106), pp. 91-116), Élisa Monnot et ses co-autrices Maud Daniel-Chever, Fanny Reniou et Lucie Sirieix proposent un nouveau cadre pour adapter les théories habituelles de la distribution aux spécificités du vrac. Car pour proposer une offre cohérente, les pratiques des enseignes doivent être repensées en profondeur. En effet, beaucoup souhaitent attraper le train de la consommation responsable en marche, mais en l’absence d’une réflexion approfondie sur chacune des étapes de la chaîne de distribution, des aberrances pointent le bout de leur nez. "On voit par exemple des magasins proposer des sachets en papier recyclé… agrémentés d’une fenêtre en plastique. Lors de mes observations sur le terrain, j’ai aussi vu des produits en vrac être livrés en magasins sur des palettes enrubannées dans des kilomètres de film étirable, ou des silos de plusieurs dizaines de kilos être remplis en y vidant une multitude de petits sachets de 500 grammes". 
Les magasins peuvent également se heurter à un problème de positionnement : veulent-ils mettre en avant le vrac comme une option économique, avec une emphase sur l’aspect discount, ou plutôt créer des espaces vrac très esthétiques et proposer des produits plus rares et onéreux ? Renforcer le côté bio et santé, ou bien miser sur l’accessibilité ?

Observer pour mieux conseiller

Les travaux d’Élisa Monnot visent à proposer un état des lieux des habitudes de consommation et de distribution. Ses conclusions constituent un point de départ pour mieux orienter les choix des enseignes. "On pense à tort que les outils classiques de distribution peuvent être facilement appliqués à la mise en place de pratiques de distribution plus vertueuses. L’outil par excellence s’appelle le retailing mix : il aide les distributeurs à définir leur assortiment, l’agencement des produits, la manière de les présenter et d’en faire la publicité. Or, si l’on reprend l’exemple du vrac, tout ce processus doit être repensé pour adapter l’offre de vente".
À l'ère de la sur-responsabilisation du consommateur, la chercheuse plaide pour un remaniement global de l'écosystème commercial.
 

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