Fut un temps, pas si lointain, où l’agrobusiness brésilien pliait devant les menaces de boycott des entreprises occidentales. Il est désormais révolu. Voici pourquoi. Un article rédigé par Pierre-Éloi Gay pour The Conversation.
Pierre-Éloi Gay,Chercheur en sciences de gestion (ESSEC)
Alors que l’Union européenne signait un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur, le PDG de Carrefour a, en six jours seulement, effectué un retournement spectaculaire. En soutien aux éleveurs français inquiets, il a d’abord annoncé que ses supermarchés ne vendraient pas de viande brésilienne, puis a vite rétropédalé en formulant des excuses aux éleveurs brésiliens. Une décision perçue comme historique au Brésil, où il y a quelques années encore, l’agrobusiness pliait devant les menaces de boycott des entreprises occidentales. Mais depuis lors, plusieurs facteurs ont changé la donne.
C’est un rétropédalage aussi rapide qu’éloquent. Le 20 novembre dernier, suite aux manifestations d’agriculteurs français inquiets face à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour annonçait que, en soutien aux éleveurs français, son groupe s’engageait à ne pas acheter de viande originaire des pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Bolivie).
Sa déclaration a immédiatement déclenché une vive colère des syndicats agricoles et de l’agroalimentaire au Brésil. Un pays loin d’être anodin pour Carrefour puisqu’il s’agit de son deuxième marché et qu’il représente plus de 20 % de son chiffre d’affaires (contre 50 % pour la France). Certaines des plus grandes entreprises brésiliennes de la filière bovine ont alors cessé de livrer leur viande aux supermarchés Carrefour locaux tandis que les plus importants syndicats patronaux de l’agrobusiness menaçaient, eux, de ne plus vendre leurs produits au groupe à l’échelle mondiale.