le 20 janvier 2025
Publié le 20 janvier 2025 Mis à jour le 21 janvier 2025

Le Vexin, un trésor géologique à notre porte

Dominique Frizon de Lamotte lors d'une balade géologique à Nucourt, en octobre 2024.
Dominique Frizon de Lamotte lors d'une balade géologique à Nucourt, en octobre 2024. - Dominique Frizon de Lamotte lors d'une balade géologique à Nucourt, en octobre 2024. - © CY Cergy Paris Université

Dominique Frizon de Lamotte, géologue et professeur émérite à CY Cergy Paris Université, œuvre à valoriser les paysages du Vexin grâce à des balades géologiques, jusqu’à tenter d’obtenir un label de l’Unesco pour ce territoire. Mais que cachent les vallées verdoyantes du Vexin ?

De la tectonique des Monts Zagros à la géomorphologie du Vexin

La géologie n’est pas une discipline qui se cantonne à l’étude des tremblements de terre et des grands sommets. Dominique Frizon de Lamotte est bien placé pour le savoir. Professeur émérite depuis 2020, il exerce au sein de notre établissement depuis sa création en 1991. CY Cergy Paris Université portait alors le nom d’université de Cergy-Pontoise.
Le domaine de recherche de Dominique Frizon de Lamotte, la tectonique, l’a amené à parcourir les reliefs d’Afrique du Nord et d’Iran, et à cartographier des continents entiers. Désormais cependant, moins de dépaysement : c’est au pas de sa porte, dans le Vexin, que se trouve le terrain d’études qui le passionne. Le Vexin est cette région boisée et vallonnée à cheval sur le Val-d’Oise, les Yvelines (Vexin français), l’Eure et l’Oise (Vexin normand). Monet y a trouvé l’inspiration à Vétheuil puis à Giverny ; Van Gogh en a immortalisé la douceur à la fin de sa vie, lors de son séjour à Auvers-sur-Oise.
Quel intérêt le Vexin peut-il susciter chez un géologue ? La réponse à cette question n’a au départ pas été évidente pour Dominique Frizon de Lamotte. Puis, en 2020, une certaine pandémie a provoqué le destin. "J’habite dans le Vexin, et je dois avouer que je m'intéressais assez peu à ce territoire, si ce n'est pour des sorties avec des étudiants. Mais pendant le covid, on ne pouvait plus sortir de chez soi, et on a commencé à nous autoriser à faire des balades à 1 km, puis 10 km, puis 30 km… Cet espace, c'est celui du Vexin. J’ai donc pu l’explorer en long, en large et en travers, et découvrir qu'il y avait tout un tas de questions en suspens qui n'étaient pas étudiées depuis longtemps".

L’histoire géologique au service de la prévention des risques

Le chercheur explique que le Vexin a été, au XIXe siècle, l’un des laboratoires de la stratigraphie, l’étude de la succession des couches de l’écorce terrestre. À cette époque a été défini un certain nombre d’étapes géologiques, dont une partie est restée dans la nomenclature, comme le Lutétien, qui fait référence à la ville de Lutèce. Certaines autres étapes géologiques sont d'anciens stratotypes comme l'Auversien, qui fait référence à Auvers-sur-Oise, ou le Marinésien, qui évoque la ville de Marines. Cette partie de l’histoire géologique est désormais connue. Pourtant, le Vexin n’a pas livré tous ses secrets. "Les problèmes actuels du Vexin sont plutôt de comprendre les processus de géomorphologie, c'est-à-dire comment se forment les paysages et comment se fait-il qu’on ait sur ce territoire une morphologie si contrastée entre des vallées relativement profondes, un plateau et des buttes avec des pentes qui sont parfois fortes. Ce qui est responsable de la formation des paysages, c'est l'érosion. Notre travail actuel s’intéresse donc aux processus d'érosion et au rôle qu’y jouent les glissements de terrain".
Gautier Vandecapelle a d’ailleurs démarré en novembre 2024 une thèse de géophysique appliquée consacrée à l’étude des glissements de terrain du Vexin français, en collaboration avec CY Cergy Paris Université, le Cerema et le bureau de recherches géologiques et minières. Cette étude n’a pas que des fins théoriques : recenser les événements géologiques du passé joue un grand rôle dans la prévention des risques futurs. En ces temps de changement climatique, l’augmentation des précipitations peut provoquer davantage d’inondations, de coulées boueuses et une déstabilisation des terrains, mettant en danger des zones importantes. Le travail des géologues est alors un apport essentiel aux services gouvernementaux, tels que la direction départementale des territoires, dans l’identification des zones à risques.

"Admirer le paysage du Vexin français, c’est bien. Le comprendre, c’est mieux"

Pour l’heure, le Vexin demeure un territoire accueillant et propice à la découverte. Peu de temps après avoir commencé à formaliser ses recherches sur le territoire, Dominique Frizon de Lamotte est contacté par des professeurs de lycée pour mettre au point des sorties éducatives adaptées au programme de géologie des classes de seconde et de terminale. Les contraintes : un coût moindre, et des lieux accessibles facilement à pied ou en transport en commun. C’est ainsi que naît la première balade géologique, organisée en forêt de Carnelle.
L’année suivante, le chercheur et ses collaborateurs répondent à l’appel à projets "La Science pour tous" de la région Île-de-France, et obtiennent un financement pour développer leur offre de balades. Ils mettent au point une quinzaine de circuits, qu’ils proposent depuis aux scolaires et au grand public, au printemps et à l’automne. En parallèle, la création de la plateforme technologique U-Maker à CY Cergy Paris Université leur permet de concevoir des supports explicatifs sous la forme de maquettes réalisées grâce à des imprimantes 3D. "Nous venons de construire, avec l'aide de collectivités territoriales et d'associations, une grande maquette sur la vallée de l'Aubette de Magny. Nous allons poursuivre ce projet pour d’autres vallées dans les années qui viennent".
En complément des balades, l’équipe propose de nombreuses actions de médiation scientifique, dont des conférences délocalisées sur tout le territoire. "Notre idée de base, c’est d’aller là où habitent les gens. C’est pour cela que nous collaborons avec les collectivités, en particulier les communes. Nous souhaitons mobiliser les habitants, échanger avec eux sur leur propre terrain et leur faire comprendre que la géologie est partout. Nous avons deux millions d’années d’histoire morphogénique sous les pieds. Il suffit de regarder, d’apprendre à observer, s'asseoir, dessiner un paysage et se poser des questions comme l'ont fait un certain nombre de peintres".

Un label "Géoparc mondial Unesco" pour le Vexin

En collaboration avec le parc naturel régional du Vexin français et les collectivités territoriales, le projet part à présent à la recherche d’une reconnaissance internationale, en visant à obtenir un label "géoparc mondial Unesco". Ce label reconnait la qualité du patrimoine géologique d’un territoire donné. Il existe actuellement près de 200 géoparcs dans le monde, dont neuf en France. "Évidemment, dans le Vexin, on ne peut pas rivaliser avec des régions où la géologie est très spectaculaire, comme dans les Alpes ou les Pyrénées. C’est pour ça qu'on insistera plutôt sur les processus géomorphologiques".
Le 23 janvier 2025, une matinée de lancement intitulée "un label géoparc mondial de l’Unesco pour le Vexin" invite de nombreuses parties prenantes et partenaires du territoire à imaginer le futur géoparc. 


En savoir plus