La cellule "Égalité, parité, altérité" du laboratoire ETIS présente dix chercheuses de ses équipes dans un livre et un film.
Le laboratoire ETIS (Équipes Traitement de l’Information et Systèmes, CNRS, ENSEA & CY Cergy Paris Université), s’investit depuis plusieurs années dans la promotion de l’égalité et la parité dans ses équipes. L’une des actions les plus récentes de sa
cellule "Égalité, parité, altérité" : mettre à l’honneur dix de ses chercheuses, grâce à un livre bilingue et un film en anglais recueillant les témoignages de dix chercheuses. Un travail essentiel, alors qu’au lendemain de la
Journée internationale des femmes et des filles de science et à la veille de la Journée internationale des droits des femmes, celles-ci sont encore sous-représentées dans beaucoup de disciplines scientifiques.
Une cellule pour la promotion de l’égalité
De nombreuses initiatives promouvant la place des femmes dans la recherche ont vu le jour au cours des dernières années. On peut notamment citer le projet CNRS "Les décodeuses du numérique", dans lequel les témoignages de chercheuses travaillant dans des domaines du numérique a priori peu ouverts aux femmes ont été retranscrits en bande dessinée. À ETIS, les efforts se sont concrétisés par la création en 2020 d’une cellule "Égalité et parité", menée par Katerina Tzompanaki. C’est cette dernière qui est à l’initiative de l’élaboration du livre "ETIS, 10 Inspiring Women of Science" (ETIS, 10 femmes de science inspirantes), et du film qui l’accompagne. Ingénieure de profession et passionnée de mathématiques depuis son plus jeune âge, elle souhaitait que cette action véhicule un message clair : que les femmes, tout comme les hommes, peuvent réussir dans les professions scientifiques et techniques, et qu’ETIS est un laboratoire qui se soucie des enjeux de parité.
Katerina Tzompanaki
Lilyana Petrova
En janvier 2023, Katerina a passé le flambeau à sa successeure, Lilyana Valentinova Petrova. Celle-ci a proposé d'ajouter "altérité" au nom de la cellule, dans un effort d’inclusion encore plus vaste. Son objectif est d’encourager l’acceptation de la différence sous toutes ses formes, d’engager une réflexion philosophique afin de comprendre les besoins de chacun·e et d’y répondre au mieux, et, en pratique, de favoriser les rencontres et les échanges au sein du laboratoire autour de ces sujets.
Une inégalité de répartition dans les disciplines scientifiques
Bien que les questions d’égalité et de parité dans la recherche scientifique bénéficient d’une attention accrue ces dernières années, force est de constater que l’équilibre n’a pas encore été atteint. Au sein d’ETIS, par exemple, des statistiques internes de 2021 révèlent que les femmes représentent 34,7% des enseignants-chercheurs et 22,8% des doctorants. Une disparité très certainement liée à la discipline : des chiffres publiés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche montrent qu’en 2020, les femmes représentaient seulement 20% des effectifs d’enseignants-chercheurs titulaires en sciences de l’ingénieur ou encore 23% en physique, contre 63% en langues et littératures et 54% en pharmacie. Seules la biologie et la biochimie (49%) et les sciences humaines (48%) sont proches de l’équilibre. Dans l’édito du livre, Katerina Tzompanaki, avec Olivier Romain et Lola Cañamero (respectivement directeur et directrice adjointe d’ETIS), déplorent cette situation :
« Si l’on compare la performance académique des filles à l’issue de leur parcours scolaire, on peut rapidement constater qu’elles surclassent les garçons dans quasiment toutes les matières. […] Alors, si les filles ont tout le bagage et les capacités intellectuelles nécessaires pour exceller dans les métiers STEM (Science, Technology, Engineering, Mathematics), pourquoi n’optent-elles pas pour eux ? Ces dernières années, cette question a pris une dimension sociétale au niveau mondial. Les femmes ont trop longtemps été découragées ou intimidées dans le but de les dissuader de s’engager dans les professions STEM, que ce soit dans des parcours académiques ou dans l’industrie. »
La passion comme moteur
Les dix femmes mises en lumière par ETIS mènent des recherches sur l’intelligence artificielle, la robotique, la psychoacoustique, la science des données, les systèmes embarqués ou les systèmes de communication sans fil. Elles sont amenées à traiter de questions d’éthique en technologie, ou de l’utilisation des algorithmes. Doctorantes ou professeures, elles ont chacune un parcours unique, avec en commun une passion dévorante pour leur discipline. À les lire et les écouter, on décèle chez toutes une étincelle qui les anime et les a assurément aidées à se faire une place dans un domaine à majorité masculine. Au point où les problèmes liés au genre sont très peu présents dans leur travail au quotidien. Avec un bémol, cependant, lié à la difficulté de concilier ambitions professionnelles et vie de famille. Camille Simon Chane, maître de conférences à l’ENSEA, remarque par exemple que le congé maternité représente encore une menace à l’avancement de la carrière d’une chercheuse :
« Quand on part en congé maternité, ce n’est pas comme dans une entreprise. Il n’y a personne pour nous remplacer, et nos recherches et notre carrière peuvent s’en trouver impactées. Dans mon cas, mes collègues ont pris la relève en partie et tout s’est bien passé, mais le métier de chercheuse est presque comme celui d’un travailleur indépendant. Si on n’avance pas soi-même, le travail ne sera pas fait. »
Vers une société qui valorise tous les talents
Katerina Tzompanaki et Lilyana Petrova défendent un objectif commun : amener la société à un stade où il n’y aurait plus besoin de penser à toutes ces questions. "Au-delà des quotas", dit Katerina, "la réflexion doit s’opérer au niveau de l’éducation. Car l’idée, ce n’est pas de pousser les femmes à devenir scientifiques, mais de permettre à celles et ceux qui le veulent d’accéder au domaine de leur choix, sans entrave". Une idée partagée par Arsenia Chorti, professeure et co-responsable de l’équipe Information, Communications, Imagerie à ETIS – une équipe d’ETIS en majorité féminine – qui clôt le film par ces mots :
« Le problème, c’est qu’il existe un grand nombre de personnes douées que l’on ne repère jamais, car on ne leur a pas donné l’opportunité [de briller]. Je ne parle pas seulement des femmes, mais aussi d’autres minorités, de la diversité au sens large. Je pense que c’est une question que nous devrions aborder très concrètement au niveau sociétal, car on ne sait jamais d’où la prochaine grande idée pourrait émerger. »
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