Mary De Feudis, physicienne et maître de conférence à CY Cergy Paris Université, a obtenu une bourse de mobilité qui lui a permis d’effectuer un séjour de recherche dans une université canadienne pour mener un projet collaboratif sur les nanodiamants, un matériau aux applications prometteuses.
La recherche franco-canadienne, un partenariat fructueux
Mary De Feudis, chercheuse du LPMS (laboratoire de physique des matériaux et de surfaces), a reçu une bourse de mobilité du Programme Mourou-Strickland 2023, un dispositif mis en place par l’Ambassade de France au Canada. Ce programme, lancé en 2018, accompagne financièrement le développement de partenariats de recherche franco-canadiens. Son nom emprunte les patronymes de Donna Strickland (Université de Waterloo, Canada) et Gérard Mourou (École polytechnique, CNRS – France), deux chercheurs dont la collaboration a abouti à l’obtention conjointe du prix Nobel de physique en 2018.
Mary De Feudis s’est rendue au Canada en juin 2023, pour concrétiser un partenariat avec le professeur Serge Desgreniers, directeur du laboratoire de physique des solides denses (LPSD) au département de physique et l’Institut NEXUS de technologies quantiques (NEXQT) de l'université d'Ottawa.
Fantastique physique quantique
Les deux chercheurs œuvrent dans le domaine de la physique quantique, une discipline dont les principes intriguent et déroutent les moins scientifiques d’entre nous. En quoi consiste-t-elle ? La physique quantique est la théorie physique qui décrit le comportement de la matière, du rayonnement et de toutes leurs interactions vus à la fois comme des phénomènes ondulatoires et comme des phénomènes particulaires (dualité onde-particule), contrairement à la physique classique ou newtonienne, basée sur les théories d'Isaac Newton, qui par exemple voit la lumière uniquement comme une onde et l’électron uniquement comme une particule. Aussi, les principes fondamentaux sur lesquelles la physique quantique repose ont des implications surprenantes, qui vont souvent à l'encontre de notre intuition. Parmi les phénomènes quantiques difficiles à appréhender, on trouve entre autres l’effet tunnel, grâce auquel une particule peut traverser un obstacle qui, selon la physique classique, devrait l'empêcher de passer. Le phénomène de la superposition quantique, quant à lui, montre qu’une particule peut se trouver dans deux états à la fois, par exemple simultanément en haut et en bas d'une montagne.
La physique quantique est à la base de nombreux développements technologiques modernes, tels que les lasers, les transistors, les ordinateurs quantiques et les nanotechnologies. Elle est également essentielle à la compréhension de la structure de la matière, de l'univers et de ses origines.
Les nanodiamants, plus prometteurs que précieux
Mary De Feudis et Serge Desgreniers se consacrent à l’étude des sciences et matériaux quantiques, et précisément à la caractérisation de nanodiamants contenant des centres colorés de type silicium-lacune. En termes simples, le diamant est composé d’atomes de carbone. Aujourd'hui, il peut être synthétisé en laboratoire de manière parfaitement contrôlée grâce à des réacteurs dans lesquels des réactions physico-chimiques sont déclenchées sur un mélange de gaz comme l'hydrogène et le méthane, pour en extraire le carbone. Le diamant est extrêmement intéressant pour ses applications technologiques et scientifiques, par exemple en physique nucléaire et médicale. Les propriétés des nanoparticules de diamant permettraient notamment d’en faire des véhicules pour des molécules actives, qui pourraient agir sur les cellules tumorales dans un traitement ciblé du cancer.
Le progrès réalisé dans le contrôle de la synthèse du diamant a permis, d'une part, de produire du diamant très pur et, d'autre part, d'ajouter et de contrôler des impuretés atomiques qui se combinent avec les lacunes de carbone dans le maillage cristallin. Ces "défauts", choisis et manipulés de manière appropriée, donnent origine à des centres colorés tels que l’azote-lacune ou le silicium-lacune, dotés de propriétés quantiques exceptionnelles. L'utilisation du diamant contenant des centres colorés a ouvert la voie pour le développement de technologies quantiques innovantes, comme la magnétométrie (mesure des propriétés magnétiques de la matière) à très haute résolution et la cryptographie quantique (discipline utilisant la physique quantique pour le cryptages de données). À ce jour, le développement de capteurs quantiques à l'échelle nanométrique demeure un défi des plus intéressants.
Un travail d’équipe transatlantique
Pour le projet de Mary De Feudis, la caractérisation des nanodiamants contenant les centres colorés SiV a été effectuée grâce à des techniques de photoluminescence et de spectroscopie Raman à très basse température, à partir d’échantillons préparés par Saurav Khadka, étudiant en première année de master en physique à CY Cergy Paris Université, dans le cadre d’un stage au LPMS sous la supervision de Mary De Feudis et en collaboration avec le laboratoire des sciences des procédés et des matériaux (LSPM, CNRS) de l’Université Sorbonne Paris Nord à Villetaneuse, qui dispose de réacteurs à diamant. Les échantillons obtenus ont ensuite été transportés et étudiés avec Serge Desgreniers à l’université d’Ottawa, où ils ont produit des mesures très prometteuses.
Durant son séjour, Mary De Feudis a également eu le privilège de présenter un séminaire intitulé Nanodiamonds: CVD synthesis and color centers incorporation for quantum technologies dans le cadre des Summer Quantum Seminars de NEXQT. Cette visite aura permis aux deux chercheurs de poser des bases scientifiques pour la rédaction de nouvelles demandes de financement visant à pérenniser cette collaboration.
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