La physicienne, maîtresse de conférences et directrice des études à l’IUT de Cergy-Pontoise, a obtenu un financement de l’Agence nationale de la recherche qui lui permettra d’approfondir sa recherche sur la synthèse et la caractérisation des nanodiamants. Son projet NanoG4V doit aboutir à des applications prometteuses pour le développement de nanocapteurs quantiques aux propriétés inédites.
Le diamant, une mine d’or pour la physique quantique
Pour fabriquer du diamant, un seul ingrédient, omniprésent sur Terre : le carbone. Pourquoi alors ce minéral est-il si précieux ? La rareté du diamant ne vient pas de ce qui le compose, mais des conditions nécessaires à sa synthèse : pour se transformer en diamant, le carbone doit être soumis à des conditions de pression et de température extrêmes, que l’on ne trouve naturellement que dans les profondeurs de la Terre, à plus de 150 km de la surface. Un minimum de 1100°C et de 4,5 GPa ("Gigapascals") peuvent être répliquées en laboratoire pour fabriquer des diamants de synthèse. Il est cependant inutile de répliquer ces conditions exactes en laboratoire pour obtenir des diamants de haute qualité. Le développement d’un nouveau protocole de synthèse est d’ailleurs ce qui fait la force du projet de Mary De Feudis. De plus, synthétiser des nanodiamants en laboratoire permet d’exercer un contrôle précis sur leur degré de pureté : il devient possible de générer des "défauts", des centres colorés qui s’avèrent posséder des propriétés quantiques exceptionnelles. La chercheuse précise : "La technique utilisée est celle dite de
dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma (CVD en anglais). On utilise des réacteurs à diamant utilisant une source plasma pour dissocier les molécules gazeuses de méthane et d'hydrogène, et récupérer les atomes de carbone (depuis le méthane) pour la formation du diamant. Grâce à cette technique, on peut faire pousser des diamants de grande taille (jusqu'à un centimètre carré) ou des nanoparticules de haute qualité sans avoir besoin d’atteindre des niveaux de pression et de température extrêmes. Notre projet concerne uniquement la synthèse de nanoparticules, ce qui est inédit dans le domaine".
De nombreuses applications scientifiques pour les nanodiamants
Le 27 août 2024, Mary De Feudis était à Nantes, invitée par les organisateurs du colloque international NanoteC24 à présenter ses recherches sur la synthèse et la caractérisation des nanodiamants pour des applications quantiques. Ses travaux suscitent depuis plusieurs années un intérêt significatif en France et à l’étranger. En 2023 notamment, une bourse franco-canadienne lui avait permis de concrétiser une collaboration avec Serge Desgreniers et son laboratoire de recherche de l’université d’Ottawa.
En 2024, la chercheuse est lauréate du dispositif "Jeune chercheuse-jeune chercheur" (JCJC) de l’Agence nationale de la recherche. Dans son projet, Mary De Feudis s’intéresse particulièrement au développement de nanocapteurs quantiques à partir de ses nanodiamants à centres colorés. Les technologies quantiques se révèlent en effet largement supérieures aux technologies traditionnelles, et l’usage de capteurs quantiques constitue un progrès significatif pour la prise de mesure, notamment dans des conditions extrêmes : champ magnétique très élevé, température très basse ou pression très haute. Ces propriétés ouvrent un grand champ des possibles et pourront permettre des utilisations jusqu’ici inédites pour les sciences : étude du développement des planètes, mesure de champs magnétiques élevés, tout cela dans des résolutions beaucoup plus élevées que ce que permettent les outils de mesure ordinaires. Les applications pourraient être nombreuses, notamment en biologie et en médecine.
"L'étude des matériaux sous très forte pression est importante dans le domaine la supraconductivité à haute température ainsi que pour la science planétaire et l'astrophysique afin de comprendre l'évolution des matériaux. En ce qui concerne la détection quantique à des champs magnétiques élevés, il n'existe pas à ce jour d'outil expérimental pour l'imagerie magnétique à l'échelle nanométrique dans des conditions aussi extrêmes. Les applications que l’on souhaite développer permettraient de surmonter les limites actuelles associées aux techniques de balayage SQUID ou de magnétométrie NV à balayage. Enfin, on peut avoir des retombées sur le développement technologique de l'informatique quantique, où l'on manque encore d'outils robustes d'analyse des défaillances pour les qubits supraconducteurs".
Un projet collaboratif
Le programme de financement de l’ANR accordera au projet NanoG4V les moyens nécessaires à l’approfondissement des recherches de Mary De Feudis pour une durée de quatre ans. Le projet, qui démarrera en 2025, se compose de plusieurs volets : la synthèse et l’incorporation des centres colorés, la fonctionnalisation des nanoparticules, et l’intégration des particules obtenues dans des systèmes.
Actuellement, c’est en Russie que sont fabriqués les meilleurs nanodiamants quantiques. Le projet vise à développer une filière dans le périmètre de l’Union européenne, voire uniquement en France. La chercheuse coordonnera en effet ses travaux entre différents acteurs français : l’Institut de recherche de Chimie Paris (IRCP), le laboratoire des sciences des procédés et des matériaux (LSPM) et le laboratoire Lumière, matière et interfaces (LuMIn) de l’ENS Paris-Saclay. Elle prévoit également l’embauche d’un doctorant, d’un chercheur post-doctoral et de deux stagiaires de master.
Le dispositif JCJC vise à valoriser la progression individuelle de jeunes chercheurs et chercheuses porteurs de projets scientifiques originaux, en leur donnant les moyens de concrétiser et d’approfondir leurs travaux.
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