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Publié le 11 septembre 2024 Mis à jour le 17 septembre 2024

Assia Nechache, la didactique à la conquête de la phobie des maths

Les mathématiques, une matière fondamentale qui passionne autant qu'elle effraie.
Les mathématiques, une matière fondamentale qui passionne autant qu'elle effraie. - Les mathématiques, une matière fondamentale qui passionne autant qu'elle effraie. - © Cottonbro studio - Pexels

À partir de l’école primaire, le monde se diviserait en deux catégories : les bons en maths, et les autres. Assia Nechache, mathématicienne, maître de conférences et chercheur en didactique au LDAR, s’oppose à cette vision binaire. Elle s’emploie au travers de ses recherches à développer des outils pédagogiques pour encourager l’engagement des élèves et des enseignants.

La tactique de la didactique

La didactique est considérée comme un champ particulier des sciences de l’éducation. Cette discipline s’intéresse à l’étude des phénomènes d’enseignement et d’apprentissage en milieu scolaire, en mettant le contenu éducatif au centre de la réflexion. Elle vise à produire des méthodes pratiques de transmission des savoirs à l’usage des enseignants, avec comme point de départ des notions précises à acquérir.

C’est justement le constat qu’elle avait des difficultés à transmettre certaines notions de mathématiques qui a encouragé Assia Nechache, à l’époque enseignante de mathématiques dans le secondaire, à entamer des recherches dans ce domaine. Pourtant très investie, elle butait parfois pour inculquer efficacement certains principes mathématiques à ces élèves.
"Je rencontrais des difficultés récurrentes en particulier au moment d’appréhender le programme sur les probabilités. Alors que pour d’autres notions, en géométrie par exemple, j’étais capable d’expliquer clairement le cheminement et les démonstrations à mes classes, face aux probabilités je n’arrivais pas à raisonner autrement qu’à l’instinct. Je l’ai vécu comme une forme d’échec. Aussi, je me suis penchée sérieusement sur ce problème, et cela m’a tellement passionnée que j’ai décidé d’y consacrer une thèse".

Un parcours tout tracé
 

Dans la culture populaire, on attribue aux mathématiciens une aura presque mystique, en les représentant comme des personnes dotées d’un don particulier assigné à la naissance qui leur permettrait de comprendre des notions hors de portée du commun des mortels. Assia Nechache présente un parcours qui ne permet pas vraiment de déboulonner cette image. Alors que sa mère, institutrice, l’encourage à développer sa curiosité, elle se découvre une passion pour les sciences, et les mathématiques en particulier, dans lesquelles elle trouve les explications satisfaisantes aux mystères du monde qui l’entoure. Elle décide d’y consacrer ses études, et rencontre tout au long de son cursus des enseignants passionnés et passionnants. Aujourd’hui encore, elle s’anime lorsqu’elle décrit sa matière. "Le raisonnement mathématique, la démonstration, j’ai toujours trouvé cela magnifique. Pour moi, c’est de l’art, tout simplement. Il y a une beauté qui se dégage de la découverte d’une explication, du cheminement qui mène à la conclusion. Les mathématiques fondamentales suscitent chez moi ce que la découverte d’un tableau dans un musée peut provoquer chez certains".
Assia Nechache, une passion communicative pour les mathématiques et l'enseignement.
Assia Nechache, une passion communicative pour les mathématiques et l'enseignement. - Assia Nechache, une passion communicative pour les mathématiques et l'enseignement. - © Assia Nechache


Elle ne conçoit pas d’opposer théorie mathématique et concret. "Les maths, c’est un pilier de la vie quotidienne. On leur trouve évidemment des applications dans quasiment toutes les sciences, par exemple la physique, la chimie, l’informatique... Mais il y a aussi un lien fort avec la culture, l’histoire de l’Homme, par exemple avec le nombre d’or. Thalès ou Pythagore cherchaient avant tout à expliquer le monde qui nous entoure. Pour moi, les mathématiques permettent de comprendre le monde, de le questionner et de développer la pensée".

Une passion pour la transmission

Après ses études, Assia Nechache fait le pari de se présenter au concours de l’agrégation en 2005. Elle devient enseignante du jour au lendemain. Si son expérience passée de directrice de colonie de vacances lui a donné l’aplomb nécessaire pour gérer un groupe d’élèves, elle prend conscience qu’il lui faudra développer des méthodes et des ressources pour faire adhérer ce public captif. "J’ai commencé à réfléchir à des sortes de jeux, à des manières alternatives de transmettre le savoir. Être enseignant, c’est comme faire du théâtre. On se met en scène, on engage à la fois la voix, le corps et l’esprit".


Apprendre à enseigner

Forte de son expérience sur le terrain, elle choisit ensuite de se consacrer à la formation des enseignants en intégrant en 2010 un IUFM (institut universitaire de formation des maîtres, établissements remplacés aujourd’hui par les INSPÉ, instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation). Elle découvre ce qui constitue peut-être une clé pour comprendre les difficultés récurrentes de beaucoup d’écoliers avec les mathématiques : les futurs instructeurs présentent parfois les mêmes appréhensions que leurs élèves face à la matière. "Les professeurs des écoles doivent maîtriser tout un ensemble de matières fondamentales. Mais ce qu’on ne sait pas forcément, c’est qu’un certain nombre d’enseignants du primaire et du secondaire estiment être eux-mêmes mauvais en mathématiques. Ils ont des passés scolaires avec cette matière qui sont très profonds, et se crispent lorsqu’ils sont confrontés à nouveau à des notions qu’ils n’ont au fond jamais maîtrisées".
Il lui paraît alors essentiel d’approfondir le développement d’outils pédagogiques spécifiques afin de soutenir les enseignants. Tout en continuant ses activités de formatrice, elle s’engage dans un master recherche en didactique des mathématiques à l’université Paris Diderot, puis enchaîne sur une thèse à CY Cergy Paris Université au sein du laboratoire de didactique André Revuz (LDAR) en 2018. En parallèle, elle est également engagée dans des actions de vulgarisation scientifique, en participant notamment aux activités de l'OAE (une initiative internationale visant à encourager la découverte de l'astronomie) à CY Cergy Paris Université avec des collaborateurs du LERMA.

Les maths sont partout, mais elles ne font pas tout

La didactique est-elle la réponse pour éradiquer la phobie des mathématiques ? Assia Nechache reste raisonnable dans ses ambitions. "Je ne demande pas à mes étudiants futurs enseignants d’aimer les mathématiques comme moi je peux les apprécier. Mais ce que je leur demande, c’est d’aimer les enseigner. Ils ont une responsabilité très importante, celle de transmettre le goût d’apprendre à leurs élèves". Elle encourage avant tout à dédramatiser : les maths, ça ne fait pas tout. Elle tient à rassurer les parents d’élèves dont les enfants peinent : "être bon ou nul en maths, ce n’est ni héréditaire, ni une fatalité et si on n’est pas bon en mathématiques, il existe un tas d’autres domaines où on peut exceller. Chacun peut trouver sa place. Dans la société, il faut de tout".

 

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