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Publié le 15 octobre 2024 Mis à jour le 22 octobre 2024

L'IEP Sciences Po Saint-Germain-en-Laye raconté par Céline Braconnier

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À l’occasion des 10 ans de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye célébrés le 26 septembre 2024, Céline Braconnier, professeure des universités en science politique et directrice de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye depuis sa création revient sur l’histoire de l’IEP.

Pouvez-vous raconter ce qui a motivé la création, il y a 10 ans, de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye ?
Céline Braconnier : Ce qui nous a tous motivés, était la qualité et l’attractivité du modèle « Sciences Po » : celui d’une grande école publique préparant à l’exercice des responsabilités, formant des esprits critiques et libres par une formation pluridisciplinaire en sciences sociales. Mais une grande école ouverte à tous grâce à une politique volontariste d’accompagnement des plus humbles à la préparation du concours d’entrée et des droits d’inscription modulés en fonction des revenus des familles. Le défi à relever consistait à construire cette grande école dans un cadre universitaire pas immédiatement adapté et dans un contexte budgétaire déjà très contraint pour l’ESR public.

Depuis quand ce projet était-il réfléchi ?
Céline Braconnier : Sciences Po Saint-Germain est né d’un projet ancien de rapprochement entre l’Université de Cergy et celle de Versailles. En 2010, les deux présidentes avaient réuni leurs équipes pour les inciter à construire des projets communs en vue du regroupement. Une poignée de politistes a répondu à l’appel en proposant de construire un nouvel IEP et a bénéficié de leur soutien immédiat pour avancer. L’intégration au réseau des autres Sciences Po, le soutien fort de la mairie de Saint-Germain-en-Laye puis du département des Yvelines ont constitué des étapes décisives. Lorsque l’école a ouvert en 2014, les deux universités s’étaient déjà éloignées l’une de l’autre mais le projet porté sur le terrain par l’équipe pédagogique était mûr. Le ministère a donc donné son feu vert. Même le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) nous a soutenus, fait rare pour une formation sélective. Si Sciences Po Saint-Germain est statutairement intégré à CY Cergy Paris Université, il constitue bien l’IEP commun de ses deux universités fondatrices grâce à une convention de co-portage qui organise la contribution équilibrée des deux établissements à la formation, la recherche et la gouvernance de l’école. Nous sommes restés fidèles à cet esprit fondateur et sommes très fiers de ce double ancrage universitaire.

En tant qu’instigatrice, avec votre confrère Xavier Crettiez, également professeur de science politique, de ce projet qui unit depuis 10 ans les universités de Cergy et de Versailles, que représente cet anniversaire d’un point de vue personnel ?
Céline Braconnier : Cet anniversaire marque une étape essentielle : le nombre d’étudiants a été multiplié par dix en 10 ans, le taux d’intégration professionnelle de nos cinq promotions diplômées est excellent et l’attachement des alumni à leur école comme la reconnaissance qu’ils expriment à l’égard de celles et ceux qui les ont formés donnent sens à l’engagement fort des équipes pédagogiques et administratives. Je suis tout simplement heureuse que nous soyons parvenus à construire avec les étudiants l’école que nous avions imaginés sur le papier. Nous sommes même, avec eux et grâce à eux, allés bien au-delà. L’anniversaire donne une occasion de se retourner et de constater l’ampleur de ce qui a été fait. Je suis aujourd’hui à la fois émue et fière, car cette réussite offre un levier pour continuer de soutenir le modèle des grandes écoles publiques françaises, qu’il serait aberrant d’abandonner au seul secteur privé. Notre nouveau ministre a rappelé à raison que l’ESR était non une dépense mais un investissement pour notre pays. J’observe que les nombreux défis relevés par Sciences Po Saint-Germain l’ont été au prix d’un engagement d’ordre quasi sacrificiel pour une poignée d’entre nous qui ne peut durer qu’un temps. Pour passer la prochaine étape, il faudra forcément renforcer les fondations par des postes.

Quelles sont les valeurs que vous défendez en tant que professeure de science politique, directrice d’établissement, et celles portées par l’établissement ?
Céline Braconnier : Sous l’impulsion des étudiants, nous avons été amenés à énoncer dans une charte les valeurs qui rassemblent les membres de l’école. Cette charte est signée par chacun en début d’année, à l’issue de conférences et débats de rentrée qui réactivent son potentiel mobilisateur. Les valeurs proclamées n’ont rien d’original, il s’agit de grandes valeurs républicaines dont la protection est organisée par la loi. Mais les réaffirmer dans un dispositif interne tourné vers le déploiement d’actions concrètes qui mobilisent aussi bien les associations étudiantes que les équipes nous a permis d’en assurer une diffusion plus efficace et qui soude. Notre charte promeut ainsi l’égalité des chances et lutte contre les discriminations, elle prévient le harcèlement et les violences et garantit aussi la liberté d’expression dans un climat de respect mutuel. Les étudiants de l’IEP sont fortement investis auprès des collégiens et lycéens du territoire dans la cadre de notre cordée de la réussite : en tant que tuteurs, coach en éloquence, promoteurs de l’ambition universitaire. Ils le sont aussi dans notre dispositif de prévention des violences sexistes et sexuelles, et nous mesurons l’efficacité d’une vigilance partagée même s’il faut évidemment poursuivre les efforts. Nous protégeons avec détermination le droit à l’expression et à l’information des usagers de l’ESR mais prenons aussi en charge un entrainement pratique au respect des règles du débat démocratique. Tout cela renvoie à des enjeux de société fondamentaux et réclame beaucoup d’énergie, de la sérénité et de la confiance réciproque avec les étudiants qui se construit au quotidien sur le terrain. Il est aisé de proclamer des valeurs, moins d’en assurer le respect alors que nous ne disposons pas des moyens RH adaptés pour le faire. Nous faisons notre possible pour y parvenir malgré tout.

De quelle façon l’établissement se démarque-t-il des autres IEP ?
Céline Braconnier : Nous avons beaucoup plus de points communs avec les autres Sciences Po de région que d’éléments distinctifs. Et l’approfondissement continu des relations entre nous, qui conduit à mutualiser de plus en plus de ressources, d’expériences et d’éléments de formation au sein du réseau ScPo, ne fait que consolider le commun. Mais nous sommes complémentaires, par exemple, pour nos offres de master. C’est la raison pour laquelle nous rendons possible en dernière année la circulation des étudiants entre les IEP. Dans ce cadre, Sciences Po Saint-Germain se distingue par une offre qui investit plus particulièrement le secteur régalien de la sécurité et du Renseignement, par sa prépa concours administratifs et judiciaires en partie numérique – l’Ie-prépa - ou encore par son engagement dans le secteur des politiques de création artistiques. À un niveau plus micro, nous avons aussi fait des choix pédagogiques qui nous différencient, comme celui de conférences de méthodes à quinze étudiants mais à un rythme moins soutenu qui donne le temps de lire pour préparer les séances, d’un stage long obligatoire dès la 4ème année ou encore de jeudi après-midi banalisés au profit d’activités culturelles et sportives.

Quelles ont été les grandes étapes et évolutions de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye ?
Céline Braconnier : Nous avons ouvert les années du diplôme grande école successivement de sorte que les cinq premières années ont toutes été porteuses de nouveautés. L’organisation de la mobilité internationale obligatoire en 3e année a par exemple marqué une étape importante. La 1ère 5ème année fut cruciale pour tester l’efficacité du dispositif de circulation et double diplomation entre Sciences Po Saint-Germain et les masters des universités fondatrices, qui était dans l’ADN du projet initial. La diversification de notre offre est passée par des partenariats avec une école de management -Audencia- et une école d’ingénieurs -CY Tech- pour former des profils hybrides particulièrement recherchés, mais aussi par l’ouverture de diplômes pour la formation continue dans les secteurs du Renseignement, du plaidoyer et de la gouvernance de la sécurité numérique. La prise en compte des enjeux de transition écologique doit beaucoup, quant à elle, à la forte mobilisation de nos étudiants.
Les grandes étapes de construction de notre offre ont aussi été consacrées par des formes de reconnaissance institutionnelle qui l’ont consolidée : arrêté grade master pour le diplôme IEP en 2018 et second vote favorable du CNESER ; Trophée francilien du numérique pour notre Prépa concours en 2020, Prépas talents du service public de l’Ouest francilien en 2020 et 2021, intégration à la Conférence des Grandes Écoles (CGE) en 2023.

À quels défis et difficultés l’établissement s’est-il confronté dans le temps ?
Céline Braconnier : Les défis conjoncturels, comme ceux liés aux confinements liés à la COVID 19, ont été partagés. Pour les relever, notre petite taille et notre cohésion, facteurs d’agilité, ont constitué des atouts indéniables. Certains défis structurels nous sont propres, en revanche, en tout premier lieu le déficit abyssal d’enseignants permanents qui épuise notre équipe. Notre taux d’encadrement des étudiants est de 1 enseignant pour 50 étudiants si on compte large, donc en intégrant les quelques heures de cours effectuées à l’IEP par de nombreux enseignants-chercheurs titulaires de l’UVSQ ou CYU affectés dans d’autres composantes. En réalité, nous ne sommes que 11 collègues de chair et d’os affectés à l’IEP donc engagés au quotidien dans l’animation pédagogique et le développement institutionnel ! Sur ces 11 postes, 2 ont été créés spécifiquement par le MESR (1 en 2013 avant l’ouverture et 1 en 2021), 7 correspondent à une dotation de CYU et 1 à un recrutement sur ressources propres de l’IEP.
Les difficultés sont aussi venues récemment de désajustements stratégiques entre nos deux universités fondatrices mais l’engagement constant sur le terrain des collègues issus des deux établissements force le respect et en a jusqu’à aujourd’hui limité les effets secondaires. Nous sommes très optimistes pour la suite.

Selon vous, en quoi la création de l’IEP a bénéficié à CY Cergy Paris Université et quels sont les avantages de ce double ancrage au sein des universités de Cergy et de Versailles ?
Céline Braconnier : CYU est, avec son partenaire l’UVSQ et avec l’Université de Strasbourg, l’une des très rares universités à pouvoir se prévaloir d’intégrer un Sciences Po. C’est évidemment un atout, qui contribue à la diversification de ses publics étudiants. Sur certains sujets, nous assumons un rôle d’aiguillon, par exemple en matière d’internationalisation systématique des formations, d’accompagnement de la vie étudiante ou encore de forte intégration au territoire. Pionnière dans son ambition affichée de fluidifier les frontières entre universités et grandes écoles, CYU a vraiment produit les efforts d’adaptation qu’implique une véritable articulation des deux modèles. Nous avons ainsi pu activer toutes les marges d’autonomie de fonctionnement que requiert le modèle Sciences Po, le développement de ses formations particulières, d’une intense vie associative et d’une individualisation des parcours étudiants. Compte tenu de notre petite taille et des attentes sociales de plus en plus grandes qui pèsent sur l’ESR, l’arrimage à deux grands établissements nous apporte une sécurité appréciable, la possibilité de recourir à des compétences très spécialisées pour des projets ponctuels et des opportunités inégalées de prendre part à des projets de grande ampleur.

Quels sont les dernières nouveautés et projets à venir de l’IEP ?
Céline Braconnier : Nous venons de signer une convention de partenariat avec l’Assemblée Nationale pour accompagner les députés dans une validation des acquis de l’expérience parlementaire par le diplôme de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Ce nouveau défi prolonge le déploiement depuis 3 ans d’une offre de formation continue pour laquelle nous sommes soutenus par CYU, dans le cadre du PIA ACTPRO. Nous ouvrirons aussi en septembre 2025 un nouveau master en Politiques de création, qui consacre un parcours Arts et Humanités devenu un des marqueurs de l’école. La bibliothèque, aujourd’hui en gros travaux, devrait être réinvestie en 2025 et, pendant encore 3 ans, nous continuerons de nous déployer chaque année dans un nouveau bâtiment. Entièrement restauré par le Conseil départemental des Yvelines qui en est propriétaire, notre magnifique campus rassemblera alors 1500 étudiants, soit la taille standard des Sciences Po de région, fixée dès notre naissance comme horizon à atteindre. Nous passerons alors un nouveau cap.




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