le 13 février 2025
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Publié le 7 février 2025 Mis à jour le 17 février 2025

Métafort, le jeu des familles de métaphores

Métafort !
Métafort !

Elena Margherita Vercelli, Rose Moreau Raguenes et Julien Longhi, trois linguistes rattachés au laboratoire AGORA de CY Cergy Paris Université, ont présenté le jeu de cartes "Métafort !" qu’ils ont co-réalisé et proposé dans le cadre de la Fête de la science 2024.

Inspiré du jeu des 7 familles, le principe est simple : réunir le plus grand nombre de familles de métaphores. Pour remporter la partie, le joueur doit être attentif aux énoncés des cartes, tous issus de discours politiques contemporains, et identifier les figures de style qui y sont glissées afin de rassembler un maximum de cartes !
L’objectif du jeu est de sensibiliser le public à la présence de métaphores, aussi bien dans notre environnement discursif au quotidien que dans les médias ou les discours politiques, pour qu’il soit capable de les identifier, de les décrire et d’en saisir les effets. "Si on ne les voit pas, on peut être influencé ou justement prendre certaines décisions ou adhérer à certaines opinions sans forcément avoir le recul ou la prise de distance nécessaire sur ces outils qui sont forts en termes de convictions ou d’effets", explique Julien Longhi. Il s’agit enfin de sortir ces figures de style du carcan scolaire auquel elles sont généralement associées pour les appréhender à travers des lunettes de linguistes.

Un jeu de cartes collaboratif

Lors de la Fête de la science 2024, chaque session de jeu était minutieusement accompagnée des explications des trois linguistes permettant au public de mieux comprendre, par exemple, l’influence que les métaphores peuvent avoir au quotidien sur la représentation d’un groupe social donné ou les émotions qu’elles sont susceptibles de provoquer. C’est aussi là l’une des forces du dispositif : plus qu’un jeu où l’on gagnerait simplement des points, la présence des linguistes encourage les joueurs à un temps de réflexion collaboratif.
Avant que ce jeu voie le jour, Julien Longhi, Rose Moreau Raguenes et Elena Margherita Vercelli ont beaucoup réfléchi à la forme qu’il pouvait prendre : jeu de défi autour des métaphores, jeu de bataille, adaptation des cartes Pokémon en jeu linguistique… Ces idées ont été abandonnées car un jeu opposant les joueurs entre eux supposait un système d’attribution des points et une définition des règles, compliqués qui n’encourageaient ni à la réflexivité ni à la collaboration entre joueurs. Le modèle du jeu des 7 familles apparaît alors comme un dispositif pertinent pour amener le public vers une expérience réflexive ainsi qu’une découverte de la recherche en linguistique.
Pour accompagner ce projet, Lucie Faerber du pôle sciences et société de CY Cergy Paris Université a mis en forme le jeu de cartes à l’aide d’un logiciel d’infographie. Une attention particulière a été portée sur les couleurs pastel des images, sur la typographie inclusive, ainsi que sur le choix des bulles encadrant les énoncés en vue d’améliorer la lisibilité de ces derniers.

Quel public ciblé ?

Métafort ! s’adresse aux étudiants comme aux lycéens qui souhaiteraient approfondir leur connaissance des métaphores, mais il peut se jouer entre adultes, en famille ou avec des enfants dans la mesure où ceux-ci sont accompagnés de personnes pédagogues leur permettant de reconstituer le contexte et de raisonner ensemble sur les effets concrets de l’utilisation de ces figures de style. En réponse au succès du jeu, les chercheuses et chercheur réfléchissent actuellement à le décliner sous d’autres versions permettant ainsi de le rendre accessible à de nouveaux publics. Plusieurs pistes sont envisagées : inclure des cartes "réponse" ou "explication", intégrer des références culturelles pour enfants, varier les orientations politiques représentées, proposer une version italienne voire internationale du jeu en le traduisant et en l’adaptant à d’autres contextes…

La spécificité d’une médiation scientifique en sciences humaines et sociales

À la différence des sciences dites exactes ou expérimentales, les chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS) ne peuvent pas s’appuyer sur des manipulations en laboratoire, des microscopes ou des becs Bunsen dans leur pratique de médiation scientifique. Tout l’enjeu d’un dispositif de médiation scientifique en linguistique est de donner à voir au grand public ce que les linguistes étudient et développent comme outils conceptuels, grâce à un "microscope" non pas tangible mais métaphorique. "J’aime beaucoup la métaphore du microscope et l’idée de défamiliariser le regard par rapport à des choses qui sont connues", avance Rose Moreau Raguenes. Si la médiation scientifique peut présenter des difficultés méthodologiques en SHS, ces dernières présentent l’avantage de concerner tout le monde et d’offrir des grilles d’analyse.

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