le 28 janvier 2025
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Publié le 28 janvier 2025 Mis à jour le 29 janvier 2025

Quand les géosciences accompagnent la transition énergétique

Geoffroy Mohn lors d'une sortie de terrain
Geoffroy Mohn lors d'une sortie de terrain - Geoffroy Mohn lors d'une sortie de terrain - © Geoffroy Mohn

Geoffroy Mohn, enseignant-chercheur au laboratoire GEC et maître de conférences à CY Cergy Paris Université, est lauréat du programme Horizon pour son projet de valorisation énergétique des bassins sédimentaires.

CY Initiative : Pourriez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre carrière et vos grandes thématiques de recherche ? 
 
Geoffroy Mohn : J’ai fait l’ensemble de mes études en Alsace à l'université de Strasbourg, et cela de ma licence jusqu'à ma thèse intitulée "L'évolution tectono-sédimentaire des marges de la Téthys Alpine au cours de l'amincissement lithosphérique", que j’ai soutenue en 2010. J’ai ensuite fait deux années de post-doctorat, et depuis septembre 2012, je suis enseignant-chercheur et maître de conférences au département géosciences et environnement de CY Cergy Paris Université et membre du laboratoire GEC. 
Mes thématiques de recherche portent ainsi sur les géosciences et plus précisément la tectonique. Je m'intéresse à la formation des bassins sédimentaires et aux structures tectoniques, par exemple les failles, amenant à l’ouverture de domaine océanique.
 
CY Initiative : Vous avez été lauréat de l’appel à projet 2023 de CY Initiative. En quoi consiste ce projet et quel est son objectif ? 
 
Geoffroy Mohn : De manière plus générale, mon travail de recherche porte sur les bassins sédimentaires, ces dépressions où s’accumulent des sédiments. Les bassins sédimentaires représentent un élément essentiel pour la transition énergétique avec le développement de la géothermie ou le stockage de CO2. Le projet NFETRA se propose d’étudier un type de bassins sédimentaires particuliers que l’on appelle des bassins sédimentaires hyper-étirés ou hyper-étendus. Ils se forment par des structures tectoniques et notamment des failles qu'on appelle à faible pendage, c’est-à dire avec des inclinaisons à 30° au lieu de la norme de 60°.
Ces bassins, que l’on connait très bien en géologie, ont été longtemps étudiés à vocation pétrolière : est-ce qu’il y a des hydrocarbures ? Est-ce qu’il y a des ressources à exploiter ? Toute l’idée du projet NFETRA, lauréat de cet appel à projet, est de les regarder sous l'angle de la transition énergétique :  ces bassins sédimentaires ne pourraient-ils pas être utilisés pour d’autres sources d’énergie, notamment la géothermie ou encore l’hydrogène ? Mon objectif est ainsi de comprendre les mécanismes de formation de ces bassins et de voir leur intérêt dans le cadre de la transition énergétique.
En tant que chercheur, je vais analyser et contraindre les processus à l’origine de la formation de ce type de bassins, afin de mieux comprendre les ressources qu’ils contiennent. Ces résultats pourront permettre à des entreprises, associations, gouvernements pour investir dans la transition énergétique. Notre vocation est d’améliorer la compréhension de ces bassins d’indiquer quelles ressources énergétiques seront viables ou non.   

CY Initiative : Comment ce projet a-t-il émergé ?
 
Geoffroy Mohn : La transition énergétique est une thématique très actuelle pour les géosciences. Nous avons toujours travaillé sur le lien entre géosciences et énergie mais maintenant nous sommes dans une phase où nous avons développé des connaissances et des outils et il nous faut aujourd’hui changer et trouver des solutions. La question centrale qui se pose est : comment les géosciences peuvent-elles accompagner ce changement ?
Elles sont en effet aujourd’hui plus que jamais fondamentales, puisque dans toutes les étapes de cette transition énergétique nous avons besoin des géosciences. Que ce soit pour l’hydrogène, pour la géothermie, pour les métaux précieux et rares qui servent notamment pour les voitures électriques. Tout cela vient du sous-sol et donc des géosciences. C’est dans ce schéma global, qu’à ma toute petite échelle, je me suis questionné : ces bassins, étudiés pour ma recherche fondamentale, ne peuvent-ils pas servir à faire avancer la réflexion sur la transition énergétique ? 

CY Initiative : Quelles sont les grandes étapes du projet ? 
 
Geoffroy Mohn : Nous avons été rejoints par une doctorante, Leïla Morzelle, pour nous accompagner sur ce travail de recherche pour une durée de 4 ans. Ce recrutement, qui n’aurait pas été possible sans l’appel à projet, est central car il va m’aider à construire et développer cette réflexion. En 2021, j’ai justement passé mon habilitation à diriger des recherches (HDR) pour pouvoir accompagner des étudiants doctorants dans leurs parcours. Sur l’aspect scientifique, les premières tâches vont tout d’abord se baser sur une approche naturaliste, de description de ces bassins sédimentaires. Nous allons évaluer leur structure, comment ils fonctionnent, et les ressources qu’ils renferment.  
Pour ce faire, nous allons les observer à différents endroits et notamment à terre dans des lieux où ils ont été pris dans des chaines de montagne. Typiquement c’est le cas des Alpes où des bassins se sont formés il y a 160 millions d’années et où nous pouvons observer directement les roches. Je vais ainsi combiner des approches à différentes échelles : de l’échelle du kilomètre grâce à des images obtenues à l’aide d’un drone sur le terrain avec Peter Betlem de l’institut géotechnique norvégien et expert de photogrammétrie, à l’échelle du centimètre et millimètre pour essayer de caractériser les propriétés pétro physiques des roches. 
Nous allons ensuite les compléter avec des exemples actuels en mer, donc non pris dans une chaine de montagne. Ce travail s’effectuera en co-supervision avec Julie Tugend, nouvellement recrutée au GEC sur une chaire de professeur junior. Ces bassins sont souvent à des profondeurs importantes (supérieure à 1000 mètres), et nous sommes donc contraints d’utiliser des méthodes d’imageries géophysiques indirectes. Cela ne nous permet pas d’observer directement les roches mais d’imager et de caractériser leurs propriétés physiques.  
Une fois cette approche naturaliste multi-échelle et multizone réalisée, nous pourrons déployer une approche de modélisation où, avec des collègues de Sorbonne Université et de l’Université de Francfort, nous allons essayer de modéliser les paramètres qui vont engendrer la formation de ces bassins et leur rôle dans la circulation de fluide notamment. Il s’agit de modélisation numérique. Pour finir, nous passerons par une approche d’évaluation pour comprendre comment se forme les bassins et quelles peuvent être leur intérêt pour la transition énergétique.  
Tout ce travail repose sur des collaborations avec des collègues du laboratoire du GEC de CY Cergy Paris Université (Jean-Baptiste Regnet, Béatrice Ledésert et Ronan Hebert) et des collègues d’autres universités, et notamment Laetitia Le Pourhiet de Sorbonne Université et Thibault Duretz de l’Université Goethe de Francfort, en Allemagne. C’est un échange important dans ce type de projet, car nous apportons tous notre expertise et formons ainsi une équipe pluridisciplinaire.  
 
CY Initiative : Pourquoi avoir candidaté à cet appel à projet ?

Geoffroy Mohn :
Le projet NFETRA a été lauréat du programme Horizon de l’appel à projet CY Initiative en 2023. Ce programme vise à soutenir, pour une durée de 4 ans, des programmes de recherche ambitieux dans des domaines de recherche stratégiques, et à permettre de se positionner avec une visibilité internationale dans le domaine de recherche stratégique visé, est une vraie opportunité pour mes recherches.
Mon projet s’inscrit dans la ligne conductrice de mes recherches : comprendre la formation de ces bassins hyper-étirés et comprendre ces failles, comment elles vont se former et quels vont être les grands paramètres qui vont travailler les modes d’extension de ces bassins sédimentaires. Ces bassins sont encore des bassins que l’on comprend mal et où il y a encore des questions scientifiques de premier ordre. Ce projet me permet d’essayer de répondre à des questions de géologie fondamentale en ajoutant des enjeux de transition écologique.
 

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