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le 28 mars 2024
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Transition
Publié le 28 mars 2024– Mis à jour le 30 mai 2024
Le vrac, enjeux et défis d'une consommation responsable
Le saviez-vous ? Mars est le "mois du vrac". Rencontre pour l’occasion avec Élisa Monnot, enseignante-chercheure en marketing à CY Cergy Paris Université et spécialiste de la consommation responsable.
Le recyclage est bien ancré dans les mœurs des Français. En 2021, le taux de recyclage des emballages ménagers atteignait 72%, et la mise en place du tri simplifié en 2023 promet de voir ce chiffre augmenter davantage. Le papier, le carton, l’aluminium, le verre et les boîtes de conserve présentent d’excellents taux de collecte et de recyclage. En revanche, le plastique est à la traîne : selon Paprec, seuls 26% des déchets plastiques sont recyclés. Lorsque l’on sait que le plastique, dont la consommation n’a jamais été aussi élevée dans le monde, est une matière dont la fabrication et le rejet dans la nature ont des conséquences désastreuses pour l’environnement, et que chaque Français jette encore en moyenne 82 kg d’emballages ménagers par an*, force est de constater que les pratiques méritent encore d’évoluer.
Le vrac s’élève alors comme une solution providentielle face à cette situation inquiétante. Avec le vrac, en effet, on réduit notamment fortement le recours aux emballages à usage unique : les sachets en papier recyclé, les bocaux en verre ou les pochons en toile remplacent le plastique. Pour pousser les distributeurs à franchir le pas, l’État français a d’ailleurs adopté une loi visant à ce que d’ici 2030, au moins 20% de la surface de vente des magasins de produits de la vie courante de plus de 400 m2 soient consacrés au vrac. Cependant, dans les faits, la transition n’est pas si évidente, du côté des consommateurs comme des distributeurs.
Le "mois du vrac", dont c’est en 2024 la troisième édition, est une des initiatives visant à faire connaître et structurer les pratiques du vrac. À son origine : l’association Réseau Vrac, créée en 2016 par Célia Rennesson, qui œuvre à sensibiliser les particuliers, mais aussi à accompagner les professionnels dans la démocratisation de ce mode de distribution. Un point sur lequel Élisa Monnot nous invite à nous attarder. Cette enseignante-chercheure au laboratoire Thema, co-directrice du master marketing à CY Cergy Paris Université, étudie notamment les enjeux de l’adoption du vrac par les enseignes et les consommateurs. Ses recherches, qui s’appuient généralement sur des études qualitatives et des enquêtes de terrain, visent à donner des clés d’analyse et de compréhension pour mieux accompagner l’évolution des pratiques.
L’emplacement des zones de vrac dans les magasins est aussi un facteur étonnamment crucial. Devant un espace dédié, avec ses silos alignés, ses nombreuses variétés de produits et ses balances en libre-service, certains clients peuvent se sentir intimidés. Des enseignes ont alors su repenser l’organisation intérieure de leurs magasins pour tenter de lever cette barrière psychologique. "De nouveaux concepts de magasins ont émergé, où les produits en vrac ont été mis en rayon directement à côté de leurs équivalents emballés, pour que cette option soit accessible même pour les consommateurs qui n’ont pas le réflexe d’aller dans le rayon spécifique du vrac".
Au-delà de ces obstacles psychologiques, des considérations pratiques se posent également. Sans emballage, il est par exemple plus difficile pour le consommateur de disposer des informations essentielles sur les produits : date de péremption, composition, modes d’emploi ou de cuisson. La question de l’hygiène est aussi une préoccupation souvent citée par les individus comme étant un frein à l’adoption du vrac. La crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19 a d’ailleurs affecté l’offre fortement, bien que de manière temporaire.
Une évolution des perceptions pour un mode de vie plus durable
Au final, côté consommateur, Élisa Monnot souligne à nouveau que beaucoup des freins émanent finalement d’un problème de perception. "Lorsque nous avons interrogé des consommateurs pour nos recherches, nous nous sommes rendues compte qu’ils associaient souvent le vrac au style de vie bobo, qu’ils le considéraient comme une pratique qui ne concernait que les produits bio et le sec, comme le riz, les pâtes ou les céréales. Cependant, ils ne se rendent pas compte que le vrac est déjà dans leur quotidien, quand ils achètent leurs fruits et légumes au marché ou chez le primeur, par exemple."
Le changement des habitudes et l’évolution de l’offre demandent un effort significatif de la part de tous les acteurs. L’initiative du "mois du vrac" a permis de toucher les consommateurs à travers l’organisation de plusieurs milliers d’événements dans toute la France, en partenariat avec de nombreux commerces proposant du vrac. C’est un pas de plus vers la démocratisation de modes de consommation plus durables.
* D’après un rapport de France Stratégie de janvier 2024
** D’après l’étude "Le prix des produits bio vendus en vrac moins cher que les produits emballés !", INC/ADEME, avril 2022
Le vrac s’élève alors comme une solution providentielle face à cette situation inquiétante. Avec le vrac, en effet, on réduit notamment fortement le recours aux emballages à usage unique : les sachets en papier recyclé, les bocaux en verre ou les pochons en toile remplacent le plastique. Pour pousser les distributeurs à franchir le pas, l’État français a d’ailleurs adopté une loi visant à ce que d’ici 2030, au moins 20% de la surface de vente des magasins de produits de la vie courante de plus de 400 m2 soient consacrés au vrac. Cependant, dans les faits, la transition n’est pas si évidente, du côté des consommateurs comme des distributeurs.
Le "mois du vrac", dont c’est en 2024 la troisième édition, est une des initiatives visant à faire connaître et structurer les pratiques du vrac. À son origine : l’association Réseau Vrac, créée en 2016 par Célia Rennesson, qui œuvre à sensibiliser les particuliers, mais aussi à accompagner les professionnels dans la démocratisation de ce mode de distribution. Un point sur lequel Élisa Monnot nous invite à nous attarder. Cette enseignante-chercheure au laboratoire Thema, co-directrice du master marketing à CY Cergy Paris Université, étudie notamment les enjeux de l’adoption du vrac par les enseignes et les consommateurs. Ses recherches, qui s’appuient généralement sur des études qualitatives et des enquêtes de terrain, visent à donner des clés d’analyse et de compréhension pour mieux accompagner l’évolution des pratiques.
Des obstacles à l’adoption du vrac
Le comportement du consommateur reste au cœur des préoccupations des enseignes. Les recherches menées par la chercheure et ses collaboratrices révèlent que les idées reçues concernant le vrac sont nombreuses. En premier lieu, parce que les magasins bio ont été pionniers dans la mise à disposition de produits en vrac, un amalgame persiste : le vrac, c’est forcément bio, et c’est forcément cher. Pour certains individus, l’estampillage "bio" est même un repoussoir, en partie à cause d’une perception que l’écologie a pris une place trop importante dans notre société. Élisa Monnot et Fanny Reniou ont d’ailleurs analysé ce phénomène dans leur article Ras le bol d'entendre parler d'écologie ! : comprendre la contestation des discours écologiques par les consommateurs (Décisions Marketing, 2013, 71, pp. 93-109). Pourtant, en ce qui concerne l’aspect économique, une étude de l’INC et de l’ADEME de 2022** comparant les prix entre vrac et produits emballés a montré que l’écart des prix oscillait entre -4% et -22%. En moyenne, l’emballage constitue 15% du coût final d’un produit.
Le comportement du consommateur reste au cœur des préoccupations des enseignes. Les recherches menées par la chercheure et ses collaboratrices révèlent que les idées reçues concernant le vrac sont nombreuses. En premier lieu, parce que les magasins bio ont été pionniers dans la mise à disposition de produits en vrac, un amalgame persiste : le vrac, c’est forcément bio, et c’est forcément cher. Pour certains individus, l’estampillage "bio" est même un repoussoir, en partie à cause d’une perception que l’écologie a pris une place trop importante dans notre société. Élisa Monnot et Fanny Reniou ont d’ailleurs analysé ce phénomène dans leur article Ras le bol d'entendre parler d'écologie ! : comprendre la contestation des discours écologiques par les consommateurs (Décisions Marketing, 2013, 71, pp. 93-109). Pourtant, en ce qui concerne l’aspect économique, une étude de l’INC et de l’ADEME de 2022** comparant les prix entre vrac et produits emballés a montré que l’écart des prix oscillait entre -4% et -22%. En moyenne, l’emballage constitue 15% du coût final d’un produit.
L’emplacement des zones de vrac dans les magasins est aussi un facteur étonnamment crucial. Devant un espace dédié, avec ses silos alignés, ses nombreuses variétés de produits et ses balances en libre-service, certains clients peuvent se sentir intimidés. Des enseignes ont alors su repenser l’organisation intérieure de leurs magasins pour tenter de lever cette barrière psychologique. "De nouveaux concepts de magasins ont émergé, où les produits en vrac ont été mis en rayon directement à côté de leurs équivalents emballés, pour que cette option soit accessible même pour les consommateurs qui n’ont pas le réflexe d’aller dans le rayon spécifique du vrac".
Au-delà de ces obstacles psychologiques, des considérations pratiques se posent également. Sans emballage, il est par exemple plus difficile pour le consommateur de disposer des informations essentielles sur les produits : date de péremption, composition, modes d’emploi ou de cuisson. La question de l’hygiène est aussi une préoccupation souvent citée par les individus comme étant un frein à l’adoption du vrac. La crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19 a d’ailleurs affecté l’offre fortement, bien que de manière temporaire.
Une évolution des perceptions pour un mode de vie plus durable
Au final, côté consommateur, Élisa Monnot souligne à nouveau que beaucoup des freins émanent finalement d’un problème de perception. "Lorsque nous avons interrogé des consommateurs pour nos recherches, nous nous sommes rendues compte qu’ils associaient souvent le vrac au style de vie bobo, qu’ils le considéraient comme une pratique qui ne concernait que les produits bio et le sec, comme le riz, les pâtes ou les céréales. Cependant, ils ne se rendent pas compte que le vrac est déjà dans leur quotidien, quand ils achètent leurs fruits et légumes au marché ou chez le primeur, par exemple."
Le changement des habitudes et l’évolution de l’offre demandent un effort significatif de la part de tous les acteurs. L’initiative du "mois du vrac" a permis de toucher les consommateurs à travers l’organisation de plusieurs milliers d’événements dans toute la France, en partenariat avec de nombreux commerces proposant du vrac. C’est un pas de plus vers la démocratisation de modes de consommation plus durables.
* D’après un rapport de France Stratégie de janvier 2024
** D’après l’étude "Le prix des produits bio vendus en vrac moins cher que les produits emballés !", INC/ADEME, avril 2022
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