le 9 mai 2022
Publié le 9 mai 2022 Mis à jour le 9 mai 2022

Recherche : un collectif de chercheurs entre dans la peau de la peau ionique

Peau ionique
Peau ionique - University of British Columbia (UBC) - © Kai Jacobson Photography

Dans la quête de la construction d’une peau intelligente imitant les capacités de détection des récepteurs naturels de la peau, les gels ioniques montrent des avantages significatifs. Contrairement aux peaux intelligentes constituées de capteurs plastiques rigides ou de métal, les peaux ioniques ont des propriétés mécaniques similaires à celles de la peau humaine, permettant d’offrir une sensation plus naturelle à des prothèses du bras ou à une main de robot qui en seraient recouvertes et les rendant ainsi confortables à porter dans des vêtements intelligents.

Cédric Plesse, Giao Nguyen et Frédéric Vidal, du Laboratoire de Physicochimie des Polymères et des Interfaces (LPPI) de CY Cergy Paris Université, ont contribué dans le cadre d’une étude* menée par des chercheurs canadiens, au développement d’une nouvelle théorie sur la façon dont la charge et la tension sont générées dans les hydrogels, présentée dans la revue Sciences du 28 avril 2022.

 

Un marché en pleine expansion

Le marché des peaux intelligentes, estimé à 4,5 milliards de dollars en 2019, ne cesse de croître.

Selon le Dr John Madden, professeur de génie électrique et informatique à la faculté des sciences appliquées de l'UBC (The University of British Columbia), « les peaux intelligentes peuvent être intégrées aux vêtements ou placées directement sur la peau, et les peaux ioniques sont l'une des technologies qui peuvent favoriser cette croissance. » En effet, les hydrogels peuvent générer une tension et un courant électrique en réaction à une stimulation, telle qu’un toucher ou une pression du doigt, phénomène appelé effet piézoionique (du grec piezo appuyer). Cependant, les mécanismes impliqués dans la conversion d’une stimulation mécanique en signal électrique n’étaient jusqu’à présent pas totalement compris.

Les nouvelles connaissances issues de ces travaux permettent d’entrevoir de nouvelles perspectives sur le marché des peaux intelligentes en confirmant que les hydrogels fonctionnent d’une manière similaire aux mécanorécepteurs de la peau naturelle, également basés sur le déplacement d’ions en réponse à la pression, inspirant de nouvelles applications potentielles pour les peaux ioniques.

Sous la supervision du Dr John Madden, chercheur de l’UBC, Yuta Dobashi, auteur principal de l’étude, a conçu des capteurs d'hydrogel contenant des sels avec des ions positifs et négatifs de différentes tailles, permettant, à terme, des avancées significatives dans la construction de la peau bionique.

 

Une révolution pour le monde médical et de la chirurgie reconstructrice

« L'application évidente consiste à créer des capteurs qui interagissent directement avec les cellules et le système nerveux, puisque les tensions, les courants et les temps de réponse sont similaires à ceux qui traversent les membranes cellulaires », explique le Dr Madden. « Lorsque nous connectons notre capteur à un nerf, il produit un signal dans le nerf. Le nerf, à son tour, active la contraction musculaire. »

« Vous pouvez imaginer un bras prothétique recouvert d'une peau ionique. La peau détecte un objet par le toucher ou la pression, transmet cette information par les nerfs au cerveau, et le cerveau active alors les moteurs nécessaires pour soulever ou tenir l'objet. Avec le développement ultérieur de la peau-capteur et des interfaces avec les nerfs, cette interface bionique est concevable. » poursuit-il.

Pour Yuta Dobashi, doctorant à l'Université de Toronto, une autre application pour ces capteurs hydrogels, souples, étirables, transparents et en générant leur propre énergie, est de les utiliser directement sur la peau afin de suivre par exemple les signaux physiologiques d'un patient tout en restant totalement discret.
« Nous pouvons imaginer un avenir où la « ionotronique » sera utilisée pour les implants corporels. Des articulations artificielles pourraient être implantées, sans crainte de rejet à l'intérieur du corps humain. Les dispositifs ioniques peuvent être utilisés dans le cadre du cartilage artificiel du genou, ajoutant un élément de détection intelligent. Un implant de gel piézoionique peut libérer des médicaments en fonction de la pression qu'il détecte, par exemple. »
 
*La recherche comprend également des contributions de Yael Petel, titulaire d'un doctorat en chimie à l'UBC, et de Carl Michal, professeur de physique à l'UBC, qui ont utilisé l'interaction entre les champs magnétiques puissants et les spins nucléaires des ions pour suivre les mouvements des ions dans les hydrogels.